Apocalypsimmo 4: Aidez-les !

Il est de retour, il a la rage. Jean Perrin, le président de l'Union Nationale des Propriétaires Immobiliers tire la sonnette d'alarme dans un communiqué lacrymal. Parait que la pression fiscale sur les propriétaires est intenable et que ça va finir par les faire fuir de l'investissement locatif.

"Selon les taux d’imposition applicables, il apparaît que la rentabilité nette d’un immeuble locatif ancien tend à se rapprocher de zéro si l’on additionne notamment l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et, le cas échéant, l’ISF et/ou la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus instaurée en 2012."

Que répondre à Perrin? Que depuis que "l'investissement locatif" est devenu un sport national sponsorisé par l'Etat (se défaussant ainsi d'investir dans la construction de logements sociaux), les prix des loyers n'ont cessé d'augmenter, les conditions d'accession à la location sont de plus en plus ubuesques. Peut-il seulement le comprendre? Fiscalité varie, mais souvent proprio ne comprend que profit. Perrin y va donc de son communiqué en attendant, tel le Mickaël Vendetta du PAP, de menacer de quitter le territoire s'il ne peut plus faire du +10% à l'année. Louer n'est pas assez "rentable"? C'est trop compliqué? Personne ne les empêche de mettre en vente. Avec une hausse de +215% en 15 ans dans l'immobilier ancien alors que le CAC 40 en cumulé n'a grimpé "que" de 110% dans la même période, la culbute m'a l'air encore bien indécente.

Jean Perrin dénonce "un matraquage des propriétaires bailleurs". S'il y a resserrement récent, toujours relatif mais "faut bien rembourser notre dette ma brave dame", il reste de la marge avant de récupérer les dizaines de milliards d'exonérations fiscales cramées lors de la dernière décennie. Et  certains mécanismes sont encore bien effectifs !
(Le retour du Jedi les a recensés pour vous.)

Des mécanismes se retournant parfois sur "les petits épargnants" voulant se la jouer maître des loyers d'un ou plusieurs Scellier à Nullepartville mais avantageant toujours celui disposant d'une bonne assise financière et pouvant encore acheter aujourd'hui en plein Paris (là où le m2 est le plus inabordable pour le commun des mortels) une studette avec une ristourne finale de 40%. Ne parlons pas des ribambelles de propositions que je reçois pour "investir" dans l'immobilier en Allemagne (l'immobilier y est 2X moins cher qu'ici, ça aiguise les appétits) ou en Israël. 

Et Perrin d'enfiler les perles sur le requiem pour un bailleur martyrisé:
"Les revenus fonciers sont donc déjà plus taxés que les revenus du travail ou ceux de capitaux mobiliers."

Suggérons à Perrin d'aller bosser à l'usine, s'il veut être moins taxé. Concernant l'ISF et l'immobilier, basé sur mes modestes observations en milieu thuné: les 2/3 des propriétaires qui devraient s'en acquitter à cause de leur(s) maison(s) passent au travers, du fait de son mode de calcul basé sur la comparaison avec un bien présentant des critères rigoureusement identiques (compliqué à établir, spécialement dans l'ancien).

Pour ce qui est du "risque" de fuite des spéculateurs de la pierre, l'immobilier étant un de ces rares domaines où la créativité individuelle n'a d'égale que la souplesse morale du législateur: je ne m'inquiète que moyennement. Exemple: Dans le numéro du 7 mars de l'Expansion spécial immobilier, après 20 pages nous rabâchant que la pierre est à la fête à Paris (un indice chez vous: le nombre de SDF explose) et que c'est "encore le moment d'acheter", un publi reportage didactique nous explique le pourquoi du comment de "la location meublée" (comprendre avec un frigo cash converter à 60 euros) à bail réduit. Figurez-vous qu'elle offre une rentabilité 15% supérieure à "la location vide" pour un travail bien moindre, avec une imposition classée "bénéfices industriels et commerciaux": bien plus avantageux que la location traditionnelle.

Autres exemples parmi les propositions indécentes, surfant bien sur la légalité, régulièrement reçues (notez l'argumentaire, cliquez pour agrandir):


Alors Perrin, heureux ?

Non. Jaloux des avantages dont bénéficient les proprios de la première destination touristique mondiale, et pour "encourager l’investissement immobilier dans l’ancien", le patron du syndicat des proprios demande au gouvernement:
"- une baisse de la fiscalité des revenus fonciers,
- le rétablissement d’un abattement de 15 % sur les revenus fonciers,
- l’instauration d’un amortissement des immeubles acquis par les particuliers sur 30 ans,
- le plafonnement de la hausse de la taxe foncière."

Dans une première version de son communiqué, plus ambitieuse, il exigeait 100 balles et un Mars. Mais, au dernier moment, il s'est retranché dans le camp de la raison.

Et Perrin de conclure: "Il est primordial que la fiscalité ne vienne pas, en étant trop fluctuante et confiscatoire, pénaliser ceux qui ont fait le choix d’investir à long terme dans l’immobilier."

Une fiscalité fluctuante et confiscatoire? Elle va depuis 15 ans strictement tout le temps dans le sens de la bulle en multipliant les aides à l'accession à la propriété et à la défiscalisation (rien que la  TVA réduite sur les travaux à coûté 5,2 milliards à l'Etat en 2011, le PTZ encore 1.2 milliard, l'aménagement Girardin 4,7 milliards). Investir à long terme dans l'immobilier? Si je dois retenir une chose de ma petite expérience de 15 ans dans la torride jungle du bailleur, de la province à Paris, du jeune au vieux, c'est la cupidité décomplexée et bien évidemment l'absence totale de vision à long terme étant entendu que mes interlocuteurs se divisaient en deux parties:
1 / Ceux qui ont acheté un bien et sont convaincus que l'immobilier ne va jamais baisser.
2 / Ceux qui ont hérité d'un bien et sont convaincus que l'immobilier ne va jamais baisser.

Si la seule vision à long terme a des allures d'indiscutable certitude de type "bibiche, tu verras on va s'enrichir en revendant", cette dernière est vite rattrapée par un souci, lui, à très courte vue: "Purée Bibiche, faut rentabiliser fissa".

Nos proprios ont donc souvent recours à la "machine à sous", l'autre nom du locataire. Rien de tel qu'un type ou une famille sans alternative, coincés hors du logement social, pour s'assurer une confortable rente. Comme on dit à Athènes, le pauvre est un investissement dont l'on peut tirer des dividendes jusqu'à cessation d'activité. Ce n'est pas un hasard si, au même moment, la FNAIM suggère  un mécanisme "BP 3" qui lui permettrait de récupérer le marché du social (et ses commissions) via les bailleurs privés (et leurs commissions) avec, ce coup-ci, abattement à 100% (allons-y tant qu'à faire) sur les revenus fonciers des proprios.

Ça donc commence donc à chauffer sur le front de l'immobilier, les possédants n'ont pas l'intention de se laisser spolier par un marché à la baisse, et appelle à l'aide la main invisible ...de l’état.

Ils veulent investir? Qu'ils investissent dans les PME, qu'il investisse dans l'innovation, qu'ils fassent le pari de demain au lieu de chercher à conserver leurs avantages fiscaux au détriment d'une population captive.

Espérons que le ou la prochain(e) président(e) prenne la mesure de l'enjeu et sache pour qui trancher.

La condition préalable étant, bien sûr, d'en changer. Hein ?

* * *

P.S: De l'autre côté, loin des alchimies fiscales des bien-logés, chez ceux potentiellement éjectables à partir de demain matin 6h, on s'organise également avec la création du 115juridique.org site mettant à disposition le travail du DAL pour permettre aux avocats, mais aussi aux militants, bénévoles ou sans-abris ayant quelques compétences juridiques de saisir la justice administrative en cas de refus d'héberger les personnes sans-abri.
Illustration : apartmenttherapy.com

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