Cette magnifique couronne en or, à influence incontestablement "grécisante", représente le dieu Sérapis "en majesté", assis sur un trône, "dominant le monde afin de démontrer sa grandeur et d'inciter à sa vénération".
Serapis est un dieu à origine lointaine, mais dont l'identité "propre" s'est construite au fil des siècles, notamment par l'assimilation de "spécificités" liées à d'autre dieux.
A l'origine se trouve Apis "l'antique taureau sacré devenu une manifestation de Pthah à Memphis", qui empruntera à Rê "l'image du soleil", puis se fondra "avec Osiris en une nouvelle divinité funéraire Osorapis qui, par un nouveau syncrétisme donnera beaucoup plus tard naissance à Sérapis" analyse Jean-Pierre Corteggiani.
Quant à Isabelle Franco, elle précise que : "Sérapis est une forme divine née tardivement de l'amalgame entre Osiris et Zeus. Il est représenté sous l'aspect d'un homme barbu portant cuirasse, iconographie étrangère à l'Egypte et qui indique l'influence grecque sur la religion".
Le dieu, chevelu et barbu, au corps revêtu, ici, d'un ample vêtement, apparaît au centre de la façade d'un temple grec, dont le fronton est soutenu par deux colonnes cannelées à base arrondie et à chapiteau corinthien. .." Au-dessus de chacun des chapiteaux apparaît un buste d'Isis, la tête voilée, penchée vers le dieu ; la déesse de gauche est coiffée du disque solaire entre les cornes. Les deux protubérances de part et d'autre du front sont sans doute des épis de blé ; le buste de droite est trop mutilé pour qu'on puisse le décrire avant restauration. Le rampant du fronton, légèrement écrasé, est marqué par un double tore. Le tympan, lisse, est orné d'un disque solaire encadré d'uraei" précisera, en 1989, Michel Reddé.
Il fait en outre une description remarquable du dieu, dont voici quelques extraits : "Dans sa main gauche levée, Sarapis tient une lance, le fer appuyé au sol. Sa main droite, baissée, repose sur la tête d'un petit Harpocrate bouclé, coiffé du pschent, dont le buste seul est figuré, bien reconnaissable au doigt de sa main droite dans la bouche et sa corne d'abondance dans la main gauche. Sarapis est vêtu du chiton et d'un himation qui forme une masse retournée sur ses genoux. Seuls les bras sont nus. Le dieu est coiffé d'un calathos lisse qui dépasse sur le tympan du naiskos. La chevelure forme deux boucles symétriques en accroche-cœur sur le front… Deux très grosses boucles identiques sont visibles dans la barbe, sous la lèvre inférieure.
Cette couronne en or, d'un diamètre de 22 cm, et d'un poids de 363 grammes, est l'une des plus extraordinaires pièces d'orfèvrerie que révéla "le trésor de Douch".
La cité de Douch est située à l'extrémité méridionale de l'oasis de Kharga. Son nom antique était "Kysis" et elle faisait office de "poste avancé", surveillant plusieurs routes du désert. Habitée aux époques perse et romaine, probablement sous le règne d'Hadrien, elle disposait notamment de deux temples-forteresses : "l'un en brique crue, l'autre en pierre, et un grand bâtiment quadrangulaire appelé localement "al-Qasr", ainsi que des nécropoles”.
Les temples étaient dédiés à Isis, déesse-mère, adorée dans toute l'Égypte, et à Sérapis, "dieux suprêmes de Kysis".
Les fouilles, menées par les égyptologues de l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO) y ont débuté, sous l'impulsion de Serge Sauneron, dès 1976.
Mais, c'est bien des années plus tard, en 1989 qu'aura lieu l'incroyable découverte !
Dans l'un des magasins du temple de Sérapis, les égyptologues découvrent un pot en terre cuite fermé par un couvercle (conservé au musée du Caire sous le numéro d'inventaire JE 98543). ! D'une hauteur totale de 28 cm, daté du IVe - Ve siècle, il recèle, en son intérieur, un ensemble de bijoux, principalement en or, représentant un poids total de 1.220,61 grammes. Durant l'antiquité tardive : "Les objets avaient été pliés et enfoncés dans un vase en terre cuite, puis insérés dans une niche entre une voûte et un plancher"…
Le trésor est composé notamment de nombreuses plaquettes d'or (ex-voto), d'un cabochon d'argent, d'un magnifique collier-pectoral, d'une étonnante couronne (ou diadème) en or, et de deux bracelets, ces trois derniers bijoux étant vraisemblablement des éléments d'une même parure.
Leur conception est très originale, très aérienne : sur une lame d'or, sont attachées et joliment disposées de multiples et légères feuilles de vignes. S'y mêlent avec bonheur : "des tiges spiraliformes d'où pendent des capsules de pavot, deux conques d'où jaillissent des bustes d'Isis…". Le tout semble converger vers l'élément central afin de le mettre joliment en valeur.
Michel Reddé revient ainsi sur la facture de la couronne : constituée d'une lame d'or (1. 1,7 à 3 cm ; ép. 0,1 cm) sur laquelle sont attachées des feuilles de vigne, … "Stylistiquement, on remarque la finesse des nervurations des feuilles, celle des pavots ou des bustes dans les conques. En revanche, la statue de Sarapis révèle diverses maladresses, notamment dans le traitement de la main droite, qui fait penser à celle de Septime Sévère sur l'Arc des Argentiers, la figure d'Harpocrate, peu dégrossie, la négligence dans le traitement des chapiteaux, le caractère sommaire et grossier des assemblages… Nous sommes donc devant le travail d'un atelier d'assez bonne qualité, mais qui recopie ses modèles en les abâtardissant quelque peu : ni atelier d'art populaire, ni maître de la toreutique. C'est sans doute à Alexandrie qu'on le cherchera, plutôt qu'à Douch, où la production artisanale n'atteint dans l'ensemble guère ce niveau".
La couronne, et les deux bracelets au même décor de feuilles d'or, l'un à cabochon ovale serti d'une agate, l'autre à cabochon rectangulaire serti d'un d'une pierre précieuse sombre, proviennent, sans l'ombre d'un doute, du même atelier …
Cet ensemble constituait une offrande pour le trésor des temples et se révèle être ainsi un "bon exemple du mobilier cultuel présent dans les temples gréco-romains".
Les prêtres s'en paraient-ils pour les fêtes cultuelles ou bien étaient-il uniquement destinés à parer les statues divines ? La question demeure …
La couronne a été enregistrée au Journal des Entrées du musée égyptien du Caire sous la référence JE 98535. Après avoir été exposée pendant de nombreuses années à Tahrir, auprès d'artefacts de la même provenance, elle a intégré, en 2021, les collections du NMEC (National Museum of Egyptian Civilization) à Fustat.
marie grillot
sources :
Le trésor de Douch, IFAO, 1991
Reddé Michel. Le trésor de Douch (information) In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, 133e année, N. 2, 1989. pp. 427-445 :
https://doi.org/10.3406/crai.1989.14742
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1989_num_133_2_14742
25 ans de découvertes archéologiques sur les chantiers de l'IFAO,1981-2006, catalogue de l'exposition au Musée égyptien du Caire – 9 septembre - 13 octobre 2007, IFAO
http://www.ifao.egnet.net/archeologie/douch/
L'Egypte restituée - Tome 2 - Sites et temples du désert, S. Aufrère, J. Cl. Golvin, J.Cl. Goyon
http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1989_num_133_2_14742
Les trésors de l'Egypte ancienne au musée du Caire, National Geographic
L'Egypte ancienne et ses dieux, Jean-Pierre Corteggiani, 2007
Dictionnaire de mythologie égyptienne, Isabelle Franco
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